"L'amour du village durera tant que vous n'aurez pas honte, de ce que vous avez fait, ou dit de lui ! " Qui a vist Cassis et noun cassis-forum.com, a ren vist.


Le bidonville (La Presse)

La Provence (le 25/07/01)
(Article de Carole Barlette)

Le bidonville sera, rasé, les Tunisiens relogés sur place
Je cite :
A l'unanimité (moins une abstention), le conseil municipal a d'énoncé l'insalubrité du site de Fontblanche où vivent 80 Tunisiens. Un opérateur se verra confier la reconstruction d'un habitat pour les reloger.

C'était le dernier point de l'ordre du jour du conseil municipal cassidain, lundi soir, mais d'importance puisqu'il s'agit de régler le sort du " bidonville ", à l'ancienne carrière de Fontblanche, où quelque 80 Tunisiens selon une récente étude sanitaire vivent dans des conditions de rare précarité.
Venus en France dans les années 50, à l'époque où les chantiers dans l'immobilier étaient nombreux, ils ont squatté d'abord là où se situe l'actuelle Camargo Fondation, avant de déménager au gré des constructions et se retrouvent à Fontblanche en 72.

Une seule alternative : gestion par la ville ou par le préfet.
La commune est aujourd'hui acculée. Suite à la visite du secrétaire au Logement en juin 2000, les services préfectoraux se sont saisis du dossier et un arrêté d'insalubrité reste en suspens.
Pour le maire, Jean-Pierre Teisseire, cette délibération " est un problème d'honneur qui nous interpelle tous ". Michèle Signouret, adjointe aux affaires sociales, explique que si la préfecture édicte le dit arrêté, une, procédure d'expropriation simplifiée suivra. L'Etat deviendra alors maître de la totalité de la parcelle visée (23 577 m2), indemnisera la commune sur la base de l'estimation dés domaines, et relogera sur place les ressortissants tunisiens dans de l'habitat social.
Le maire préfère confier à un opérateur la reconstruction afin de conserver la maîtrise du site. "L'avantage de cette formule, explique-t-il, est de mettre fin au bidonville qui serait remplacé par de l'habitat pavillonnaire dont la gestion sera assurée en liaison avec la commune, et qui pourra être réorganisé et remis sur le marché locatif après le départ des Tunisiens. Cette opération doit permettre dans l'immédiat de reloger dignement les résidents recensés, à l'exclusion de tout autre ".
Les Premières études estiment que chaque Tunisien aurait besoin d'une chambre de 25 M2 et de deux, salles communes. La construction totale nécessaire au relogement s'élèverait à 2 337 M2.
Conscient des lacunes en logement social sur Cassis, le maire ajoute que les jeunes ménages seraient dans l'avenir prioritaires sur les logements qui se libéreront.
Une étude sera lancée afin de bénéficier de subventions au titre des OPAH (Opération Programmée pour l'Aménagement de l'habitat) dans les logements anciens du centre ville, certains méritant également d'être frappés d'insalubrité.

Un débat animé
Danièle Milon (opposition) : "N'y a-t-il pas possibilité de reconstruction ailleurs ? " Pas selon une étude sociale que met en avant Mme Signouret, adjointe : "Ils souhaitent rester sur le site " Du tout, affirme Mme Milon qui s'est rendue sur place et propose au maire l'audition d'une "cassette" qu'elle y a réalisée. Le débat s'amplifie : combien sont-ils ? D'où viennent-ils ?
" Ils refuseront de payer un loyer " poursuit Mme Milon, tous les Tunisiens vivant avec un revenu dérisoire afin de pouvoir envoyer des subsides à leurs familles.

Argument que reprend Gérard Trossero (opposition), mettant en avant une étude de 96 qui, selon lui, résolvait avantageusement le problème au cas par cas : cinq Tunisiens à la maison forestière, deux ou quatre dans un foyer de la Sonacotra, une quarantaine, dans des constructions neuves, quelques-uns dans des hôtels sociaux, et une aide soutenue au rapatriement (NDLR : selon la dernière étude sociale réalisée par les services préfectoraux, ils sont 2 sur 90 à désirer vivre à Marseille, les autres souhaitant rester sur le site).
M. Trossero précise voter pour cette délibération, mais à condition que l'ensemble des élus soit impliqué dans l'évolution du dossier.
Mme Milon s'abstient.

" Un débat honorable "
le maire voulait que le débat soit " honorable " pour cette délibération hautement délicate. Voici quelques phrases cueillies pendant ce conseil :
-Daniel Milon : " Ce ne sont pas les mêmes qu'il y avait au Missuguet "
-Jean-Pierre Teisseire : " Ils ne se sont pas reproduits ! Il n'y a pas de femmes ! " " Ils vivent dans des conditions d'hygiène médiocres. Mais quand je les croise, ils sont toujours bien rasés, très corrects. Cela m'inspire le respect. "
-Gérard Trossero : " Il n'est pas réaliste de faire du logement social mixte. Les besoins et les styles de vie (NDLR : entre Tunisiens et Cassidains ?) sont différents. "
-Gérard Trossero et Daniel Milon : mais ils ne partiront jamais, sinon ils perdront leurs retraites complémentaires ! "
-Dans la salle : " C'est vrai : ils partent quelques semaines, mais ils reviennent toujours ".
Qui sont donc ces " ils " ? Des aliens ? Des martiens ? Non : des travailleurs émigrés, la plupart vivant à Cassis depuis 1952. On les croise encore aujourd'hui le long de la route, à attendre l'employeur (au noir) qui, pour 30 francs de l'heure, les utilisera pour des travaux de terrassement ou de débroussaillage. Et " eux " ? Veulent-" ils " quitter la carrière de Fontblanche, et leurs cabanes où ils ont reproduit le style de vie du petit village tunisien d'où ils sont issus ?
(Carole Barletta)

Article de La Provence : du 22/08/01

Cassis : le bidonville oublié (La Provence du 22/08/01)
(Un article de Carole Barletta)
Je cite :
"Cassis, ses plages, son casino, ses calanques son port typique... et son bidonville. En plein coeur d'une des stations balnéaires les plus courues de la région, subsiste une survivance d'une époque que l'on croyait révolue. Entre un lotissement luxueux, des courts de tennis et le rond-point de la Gineste, vivent, dans une ancienne carrière, depuis 1971, dans des conditions honteuses et indignes du XXI siècle, 90 ressortissants tunisiens. Cabanes faites de bric et de broc, deux points d'eau en tout et pour tout, chauffage avec des cageots. Trente ans après, la municipalité a l'intention de raser le bidonville et de le remplacer par des logements sociaux. Les 90 travailleurs tunisiens, qui ont entendu beaucoup de promesses, attendent de voir.

Cassis : un espoir pour les Tunisiens du bidonville ?
Trente ans après la construction du bidonville la municipalité projette de le raser et de le remplacer par un habitat social, où les 90 immigrés pourraient être relogés

Le bidonville où vivent 90 Tunisiens est à peine caché dans le goulet de l'ancienne carrière Fontblanche, entre le lotissement luxueux du Mussuguet et le rond-point de la Gineste.
A l'entrée de Cassis, depuis 1971, gisent ces 200 baraques de 10 M2 faites de planches glanées sur les chantiers et de bâches récupérées à la décharge. Des conditions honteuses qui n'avaient guère ému jusqu'à la visite du secrétaire d'Etat au Logement en juin 2000 : cet hiver des points d'eau étaient installés ; un arrêté d'insalubrité est resté en suspens pendant les dernières municipales Le maire a finalement tranché : le bidonville sera rasé et remplacé par un habitat social où tous seront relogés. Ce sera le premier programme de logement social à Cassis dont les lacunes pour les "autochtones" et le sort des enfants du village sont déjà sujets à débat.

Dans les belles années du bâtiment, les Tunisiens ont été recrutés en masse dans le village de Mareth, à 80 km de Djerba. D'un ancien hôtel, au Bestouan, au terrain vague des Brayes devenu ensuite lotissement, la municipalité les a alors dirigés sur cette ancienne carrière où ils ont remonté leurs baraques -- avec, interdiction de construire en dur.

"Et on paye, Ici rien n'est gratuit"
" Un jour, poursuit Mohamed, j'ai fait venir mon petit de tunisie. Au bout de deux semaines il voulait repartir. Chez nous, c'est pas beaucoup plus grand. Mais c'est pas ça " en montrant d'un regard usé les cabanes faites de bric et de broc aux trous bouchés par du plastique cachant des conditions de vie précaires : chauffage avec des fagots ; douche aux sanitaires de la plage. " Et on paye. Ici, rien n'est gratuit !". Seul luxe : la télé, offerte par le consulat, dans la salle commune, dotée, elle, d'électricité grâce à un fil tiré par un riverain.
Ici, on ne demande jamais rien. Mohamed a eu un malaise cardiaque, un matin : il est allé sur la route, a hélé un taxi, s'est fait conduire à l'hôpital. " L'assistante sociale d'Aubagne m'a dit que je n'aurai plus droit au RMI mais à une pension d'invalidité. Je ne peux plus travailler ni rentrer en Tunisie : tous les trois mois, il faut que je voie un médecin pour le certificat. Si je rentre au pays, je n'aurai pas un sou. Je suis dans la marmite, faut que j'y reste. " Mohamed a neuf enfants. Les plus jeunes vivent grâce aux quelques centaines de francs qu'il envoie tous les mois. Mourir au pays. Un rêve rarement exaucé.
Au cours de ces dernières années, les enquêtes sociales se sont succédé pendant que les Tunisiens continuaient à travailler. " Une fois déclarés, une fois non ", pour 45 à 65 F de l'heure. " Quand je suis arrivé à Cassis, poursuit Mohamed, il n'y avait pas autant de maisons. On a tout construit. "
Pour construire une nouvelle aile de villa ou débroussailler un jardin, on sait où les trouver, de Cassis à Carnoux, La Bédoule et La Ciotat. En dehors du bidonville, on les voit le long de la route, attendre le 4X4 ou la BM qui vient les cueillir pour un boulot.
Retraités, invalides, RMIstes, intérimaires, tous ont des cartes de séjour en règle. " Sauf quand le maire a cessé de nous fournir des certificats de logement. Alors, on n'a plus eu droit à aucun papier. Le consulat a dû intervenir ".

"Je n'y crois pas"
Pas une femme ne vit au bidonville, pas un enfant. Ils sont restés à Mareth. Ils voient leurs familles une fois l'an, lors du Ramadan et de l'Aid. "Vivre dans un HLM pavillonnaire ? Oui, si on reste ici Mais j'y crois pas. En 31 ans, j'ai entendu tellement de promesses. La ville, elle veut mettre plus haut un complexe sportif. Vous croyez, vous, quels toléreraient à l'entrée des Tunisiens, que des hommes de surcroît, même si tout le monde ici, sait qu'on est tranquille. Moi, j'y crois pas ".

Mohamed s'allonge sur un matelas à même le sol. Le plus jeune ici a 40 ans. L'ancien, 75 ans, malade, garde le lit dans sa cabane sans fenêtre. Résignés, les Tunisiens de Cassis se sont sacrifiés pour leurs enfants qui grandissent au soleil de Tunisie, sans doute dans des conditions plus décentes que dans cette si jolie ville française, perle des calanques"
(Article de: Carole Barletta)

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