Le Gabian Déchaîné

Les VERTUS ! Tradition d’un autre temps.

Une chronique… qui sent bon la tradition !

Non écrite par votre serviteur, mais par mon ami Michel Revest, qui mérite un partage en règle sur mon bord…
Et d’actualité puisque hier, c’était la journée des vertus !

C était hier… 😊
En ce mercredi, veille du jour de l’Ascension de l’année 195?, Hubert est allé récupérer le brancard dans la cave derrière le magasin de filet au 1 rue du jeune Anacharsis, tandis que Georges et Jean (qui habitent aussi dans la rue Anacharsis) s’affairent à installer le grillage qui servira de grotte à la statue de la Vierge.
Avec Pierrot (le frère de Georges qui habite rue Anacharsis, et moi même, qui habite quai des Baux, nous voilà partis chez Caramello au « chalet » pour récupérer les roses.
A notre retour, le brancard est prêt. On tapisse le grillage de roses et nous voilà prêts pour demain. Il ne restera plus à Angèle demain, qu’à installer la Vierge.

Jeudi, jour de l’Ascension.
Le clocher de l’église sonne 6h et nous voilà en habits du dimanche, le siéton à la main et le brancard à bout de bras, prêts à affronter ce jeudi de l’Ascension. On démarre du banc des vieux, place Mirabeau, vers la Grand-Rue,

« Nostre Dame de la Mar…que fa flourir que fa granar ».
Notre voix résonne sur le pont encore endormi.

Certains commerçants sont encore fermés : Sarraguier, Mademoiselle Moure, la mercière, Gilbert le restaurant. Notre première halte sera pour les commerçants : l’épicerie de Jules Allègre.

« Une bonne recette pour les commerçants … çants …çants »
Là on croise madame Allègre la sage-femme qui se dépêche – une naissance est en vue. Puis Paulette l’épicière, mère de Jean, Béranger le boucher, et Tati Yette, ma voisine depuis que je suis né, qui nous fait reprendre notre refrain déjà bien rodé :

« Notre Dame de la Mar… »

On continue vers la Grand-Rue.
Les pêcheurs n’étant pas encore revenus au port, c’est toujours « Une bonne recette pour les commerçants…çants…çants… »

Avant la Grand-Rue, on passe encore chez Monsieur Schmidt au café de France et à l’épicerie-poissonnerie de la famille Teisseire. La Grand-Rue s’ouvre devant nous : Monsieur Laure le marchand de journaux, Biquette chez Bicou, Maffei le boulanger et Rosette du 20e siècle, la soeur de Yette. On achète deux croissants chez Sibour et on n’oublie pas de chanter pour les chaussures Boeuf René et Paul :

« Une bonne recette pour les commerçants …çants…çants…»

Loulou chabert a entassé des couffes de bois et de charbon au fond de l’impasse Farina. La Mercerie Dallest n’est pas ouverte. Un arrêt chez le boucher Hovaguimian, un détour par le Simoun et l’épicerie des parents de Claude Vanni, petite Aubade à Airasca (il faudra que je lui apporte mes chaussures de foot pour changer les crampons). On traverse la route de Marseille et c’est la bijouterie Magnano, puis le carrefour et la rôtisserie des parents de Magali,

« Une bonne recette pour les commerçants…çants…çants… »

La route de La Ciotat est devant nous. On va aller voir les paysans. On passe au Bagnol chez les Bonnet et le couplet va changer :

« Une bonne pluie pour les oliviers… viers…viers »

Chemin des Janots, on arrive chez les frères Caillol (la famille) puis Chabert, Dallest et enfin le mas Calendal où Maître Bodin nous demande la chanson complète. Il grimace un peu en écoutant notre provençal mais se montre généreux pour les vertus.

On ne va pas avoir le temps de visiter la serre exotique.
On quitte le mas Calendal, on n’aura pas le temps de visiter les Jayne, Guerin et Dallest.

On se dépêche de revenir au village pour être les premiers à l’arrivée des pêcheurs.

Juste à temps ! « Une bonne pêche pour les pescadous…dous…dous »

Le Breton et ses fils sont déjà en train de démailler à terre les sardines prises de Matignade. Louque qui tient « la double » et Jo Richard, leur donnent un coup de main.

Castan et Pastonino ne sont pas encore rentrés.

Les Castouyanis sont déjà aux promenades en mer où Xavier, le Jap et Nounouche ont déjà chargé des clients pour les calanques.

Fautrier et Revest (encore la famille) démaillent les rascasses, roucaous et rougets des tis qu’ils ont calé la veille dans les pierres sous Canaille.

« Une bonne pesque pour les pescadous…dous…dous»

Un peu plus loin, Gaby Huret, Henri Legointre et Marius Calendal lavent les filets avant de les faire sécher au solarium ou à l’ancien moulin (maintenant Aristide Briand).

Yelle nous demande de chanter plus fort car il a fait une mauvaise pêche,

« Notre-Dame de la Mar que fa flourir que fa granar »

On arrive maintenant devant les familles Mouton et Cinque, on reprend de plus belle,

« Une bonne pêche pour les pescadous…dous…dous »

Au bout du quai Barthélémy, les frères Lecesse, Martin et Micheou dit Bouillot, les frères Rispoli (Moustache et Sicky), Raymond et Loulou, Notre-Dame du Mont Carmel, les parents de Jean, et les Boyer (Georges le père et Désiré le fils – encore de la famille- les parents de Georges et Pierrot, et un peu les miens aussi).

Tous les pêcheurs s’étant montré généreux, on n’aura pas à entonner ce couplet qu’ils redoutent tant :
« Une bonne Dauphinade pour Monsieur… »

On continue jusqu’à la coopérative des pêcheurs. Guy le gérant vient remplir nos siétons, sous l’ œil du docteur Bapt à son balcon.

On pousse jusqu’aux voilier en changeant de refrain au plaisir de Monsieur Fabre,

« Une bonne recette pour les commerçants…çants…çants.»

Maintenant, direction l’église et la messe de 10h. On s’arrête devant chez Titin (pourquoi aller plus loin) mais nous on va continuer et prendre la rue Frédéric Mistral. Un petit couplet sur les pêcheurs pour Tati Claire qui ramende dans sa cuisine.
On tourne devant l’atelier fermé (c’est fête aujourd’hui) des frères Maritano (Bobby et Charlou) et on débouche sur la place de l’église. Les fidèles arrivent petit à petit. Bon, on a encore le temps de descendre la rue Séverin Icard,

« Nostre Dame de la Mar qui fa flourir que fa granar…une bonne recette pour les commerçants !»

Lion le boulanger où l’on retournera pour dépenser nos pièces, Menconi l’électricien, Madame du Breuil, la droguiste, un petit arrêt chez Frosini où Golin découpe déjà les pains de glace pour alimenter nos glacières (eh oui les frigos n’existaient pas encore !) « Une bonne recette pour les commerçants… »

la boucherie Mistral, la droguerie Pujol, et on reprend la Grand-Rue pour remonter la rue Thiers.

Les cooperateurs, articles de pêche, Madame Stabile, avant de tourner vers la route de Marseille où l’on croise Jean Blanc, ancien boulanger président du S.O.C., porte-drapeau régional du foot à Cassis, qui nous encourage et nous récompense bien sûr. . On tourne (après Kabachian le cordonnier) vers la route de Marseille que l’on remonte jusqu’à l’auberge de Bonardi (actuellement la bibliothèque).

« Une bonne recette pour les commerçants…çants…çan »
Attiré par nos voix, Mr Cabus (le marchand d’interrupteurs et de prises de courant) nous invite dans sa villa juste en face et dépose dans notre siéton un billet de 20 francs tellement neuf que le ciré du pécheur qui figure sur le billet n’a surement encore jamais servi.

On chante à tue-tête
« Nostre Dame de la Mar… »

Le garage Jourdan (actuellement Henge) étant fermé, on retourne vers l’église. En arrivant sur la place, le docteur Agostini, maire de Cassis, sort de chez lui avec sa sacoche de travail (même pour l’Ascension il y a des malades) ; il nous adresse un regard presque paternel, lui qui nous soigne depuis notre naissance, qui a mis nos parents au monde et qui n’aura pas d’enfants.
Il sera le parrain du fils de Tino Rossi.

On installe les brancards sur la place de l’église pour attendre la fin de la messe et la bénédiction, ce qui ne saurait tarder. On fait la causette avec les autres équipes mais voilà que Monsieur le curé Camoin se pointe sur le parvis. Il bénit les brancards et lâche les fidèles.

La messe est finie. Il ne s’agit pas de les laisser passer !
« Pour les vertus ! pour les vertus ! pour les vertus ! »

L’église s’est vidée, c’est le moment des comptes et du partage. La matinée a été bonne, les Cassidens généreux. On va pouvoir faire le plein de réglisses ou autres bonbons chez Lion ou Mallet et on pourra même se payer une séance de cinéma à l’Eden et même peut-être à celui du curé.

Il ne restera plus qu’à ranger le brancard dans la cave d’Hubert pour l’an prochain et à Angèle à remettre la vierge sur la commode de Marius.

Texte de Michel Revest !