Le Gabian Déchaîné

Pachot, Piou ? Histoires de cassidens !

Et si je vous racontais quelques histoires bien de chez nous ?
Exercice de style, je me transforme en conteur d’un temps que les moins de 20 ans…

La dernière fois, vous parlant de mon enfance dans cette partie du village où vivaient principalement les pêcheurs, je me suis dit que je pourrais aussi vous narrer quelques histoires pittoresques, pour pas dire atypiques, de certaines de ces figures qui façonnaient le charme du Cassis ancien.

En parlant de gabian dernièrement, l’oiseau parfois fort utile quand on porte attention à la façon dont il vole, nous renseignant sur la nature du temps et de ses prévisions, c’est avant tout un charognard qui peut s’attaquer aux pigeons ou au contenu de votre assiette si vous êtes en terrasse, mais qui ne négligera pas la dépouille d’un rat.
Préférant à tout cela le reste de nos poubelles dans les décharges municipales.

Introduction un peu trop précise peut-être, mais c’est pour vous parler d’un cassiden, qu’on surnommait Pachot alors qu’il s’appelait Luc, un vieux pêcheur et personnage singulier du Cassis ancien, qui avait raconté à un ami qu’il en avait mangé du gabian ! Beurk !

Pachot est donc une des figures de ce village ancien, qui ne souffrira pas d’un manque de plaisanterie à son encontre, raconté comme des galéjades de récits plus ou moins vrais, mais très probables connaissant l’oiseau.

Par exemple, à cette époque à Cassis, très peu d’habitations possédaient de commodités sanitaires. Juste la tinette et pour quelques-uns la pile. La pile étant un évier muni d’un seul réceptacle taillé dans la pierre de Cassis puis poli comme le marbre, devenu très recherché et tendance de nos jours.
L’eau, on allait chercher à la borne-fontaine sur le port.

Pachot avait son entrée rue Anacharsis, sa fenêtre donnant sur le port. Rue qui était peuplée principalement de pêcheurs venus d’Italie.
On m’a raconté (bien sûr puisque j’étais trop jeune) que Pachot faisait ses besoins sur un journal posé à terre et qu’ensuite, il emballait la chose avec une deuxième feuille pour la jeter par sa fenêtre, en espérant atteindre l’eau.

Suivant le poids du paquet son projectile allait plus ou moins loin, même si vue sa corpulence il devait faire des estrons d’au moins une livre, mais qu’il n’était pas comment dire, le plus adroit de ses mains du village, et bien souvent le paquet atterrissait sur le quai ou sur une des barques amarrées au quai, ce qui lui valait quelques vigoureuses remontrances, lui affirmant : non ce n’est pas moi !

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Je pourrais aussi vous raconter une autre histoire que c’est pas une blague, sur cette autre figure du village, personnage haut en couleur, Pierrot JAYNE (dit Piou) frère jumeau d’un surnommé SanSan, une autre figure incontournable lui aussi.
Une histoire réelle qui m’a été contée cette semaine par une amie, alors que nous parlions des docteurs…

Nombre d’entre vous connaissaient Pierrot et son franc-parler sans trop de mots mais opportuns, en grognant presque.

De forte corpulence, un matin marchant avec peine en descendant la rue Séverin Icard, encore elle, il s’arrête devant un magasin du bas pour y boire un verre et faire la bazarette et se plaindre d’un problème, qu’il se réveille trop tôt, vers les trois heures, sans pouvoir se rendormir.

Mon amie lui demandant,
– Mais peut-être que tu te couches trop tôt !

– Non non, lui répondit-il.

A ce moment-là arrive le docteur Bovi qui aillant entendu la conversation, dit à Piou,
– A mon avis tu es insomniaque. Si tu veux je peux te prescrire un médicament ?

– Non non, lui répondit-il, toujours avare de mots.

Poursuivant sérieusement une fois que le docteur avait passé le coin de la rue,
– Je suis pas insomniaque, c’est que je dors trop vite !
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Voilà le genre d’histoires qui font toute la richesse de notre beau village où les habitants ne sont pas en reste pour sortir des galéjades, volontairement ou pas.
J’ai encore une anecdote qui marque bien la nature des relations dans notre village et surtout l’expression utilisée.
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C’est encore un récit d’une rencontre d’une personne qui croise Jeannot Chemin, individu imposant avec du mal à se déplacer, en marche doucement sous le beau soleil d’un jour de printemps, sur le quai à la hauteur du restaurant la vieille Auberge en direction du banc des vieux sous la maison des douanes.

– Oh Jeannot ! En balade ?

– Ben oui, tu vois bien que je me promène…

– Tu as raison, ça peut te faire que du bien.
Ajoutant,
– Tu vas tirer jusqu’à la plage ?

– Mais non couillon, tu rigoles ! Le temps que j’y arrive, c’est l’hiver !

Voilà comment ça se passait à Cassis. Chaque occasion était bonne pour se brancher ou se moquer sans méchanceté et attendre une répartie à la hauteur, toujours avec humour !

Bon comme vous insistez, encore une petite toute fraîche de ce matin… en plein footing sur le port, assis un muret de la place Mirabeau à discuter avec deux collègues de boules, arrive le camion de la sécurité civile et en sort un qu’on connait aussi, qui vient pour distribuer des masques gratuits aux personnes qui ne pouvaient pas se déplacer en Mairie.

Survient à pied encore un autre compère, Daniel, dont le nez n’a rien à envier à celui de Cyrano-de-Bergerac, qui sera stoppé net dans sa promenade, interpelé par un de mes deux amis :

– Oh Dany, tu veux pas un masque gratuit ? Vé, y a Claude qui les distribue au camion !

Ce à quoi rétorque immédiatement mon autre collègue :
– Non mais arrête, y aura pas sa taille, qu’avec le nez qu’il a, y a qu’en Arménie qu’il va le trouver son masque !
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N’y cherchez aucun propos raciste de sa part, même si parfois on pourrait en douter, c’est dit sans malice. Les membres de la communauté arménienne sont très nombreux dans le village, et ne peuvent que se réjouir de faire partie de la famille des cassidens. Au même titre que les plaisanteries sur les italiens, les juifs ou les arabes… c’est comme ça dans le midi !